CHOCO CHIP COOKIES ⋆ ☽☽☽ ft. isaïah

« Encore ? » Encore. Oui. Tu ouvres chaque placard de la cuisine, bien trop grande pour toi seul … vide. Encore vide et puis, définitivement vide. Ou presque. Quelques bricoles, mais rien qui ne t'inspire réellement. Rien qui te donne envie de cuisiner, ou même de prendre la peine et le temps de manger. Et visiblement, c'est pareil pour Orion. Le petit Goupix vient mettre son nez dans tout ce que tu ouvres, y compris le réfrigérateur, sans doute à la recherche de quelque chose d'appétissant. C'est dans ces moments que tu te rendais compte que tu avais fais d'Orion un vrai petit prince, sans doute un tout petit trop capricieux. Monsieur ne mangeais pas n'importe quoi. Et en plus, il avait ses horaires. Les tiens, quoi. Le repas était dans une heure, environ, et il savait que tu aimais prendre le temps de manger de bonnes et donc de cuisiner. Du coup, il était déjà, histoire de voir ce que tu comptais préparer, et sans doute donner son avis. C'est fou, les courses semblaient s'envoler à la vitesse de la lumière … mais pointilleux comme tu étais, tu notais les jours où tu faisais ton plein – qui n'était jamais bien conséquent, puisque tu étais seul avec Orion – histoire d'évaluer comment tu t'en sortais. Ton regard se porta donc sur le calendrier, aimanté au frigo. « … Il y a deux semaines ? Déjà ? » Tu n'avais vraiment, mais alors vraiment aucune notion du temps, mon pauvre Isaïah.

Un soupire s'échappe de tes lèvres. Tu n'avais pas prévu de sortir aujourd'hui, encore moins de t'imposer la corvée des courses, mais il allait bien falloir que tu le fasses si tu voulais manger quelque chose de correct à ton goût. « Bon, bah on sort, Orion. » Cinq minutes plus tard, tu étais dehors, le Goupix dans les pieds marchant gaiement à l'idée d'aller chercher plein de nourriture et d'avoir le choix. Encore dix minutes après ça, tu mettais le pied dans la supérette. Pas de supermarché, ici. Il n'y avait que ce tout petit magasin, qui te suffisais de toute façon amplement pour acheter ce que tu avais à acheter. Surtout que tu passais toujours au moins une heure ici, à choisir, décidé, élaborer tes recettes en allant dans ta tête. Tu tournais dans la supérette au moins vingt-cinq fois à chaque fois, avant de finalement passer en caisse.

Normalement, tu étais toujours dans ton monde à toi en faisant tes courses. Concentré au maximum pour ne rien oublier d'essentiel. Mais pas aujourd'hui, visiblement, puisque rapidement, au détour d'un rayon, ton regard fut attiré par une silhouette, une chevelure, puis un visage qui ne t'étais pas inconnu. Croiser des élèves était habituel. Cette ville était très petite. Mais Sun était particulière … dans le sens où de manière un peu inexplicable, elle avait disparue de tes cours, il y a déjà quelques temps. Tu savais par quoi elle était passé, pour t'être inquiété de son état plusieurs fois, au point même d'aller frapper chez ses parents pour obtenir des réponses. Tu avais vu ce qu'elle avait subir, endurer. Et tu étais profondément désolé de voir comme le monde pouvait parfois être cruel envers un être qui pourtant, à tes yeux avait l'air si fragile … « Sun ? » Ta voix est douce. Et tu fais quelques pas dans sa direction, simplement par envie, par besoin de savoir ce qu'elle devient, et si tout va bien.

Elle se retourne. Elle te fais face. Tu te demandes un instant si elle a changée … On dirait. Non ? Ou pas tant que ça finalement. C'est sans doute cette moue inquiète qui t'inquiète un peu, justement. Comme si elle fuyait quelque chose. Toi ? Non. Du moins, tu espérais que ça ne soit pas toi. Tu n'avais jamais rien fait de mal, la concernant, si ? Ce que tu pouvais être parano, bon sang. Tu ouvres la bouche, tu aimerais poser des tas de questions. Des trucs banals. Est-ce qu'elle va bien ? Qu'est-ce qu'elle devient ? Pour commencer. Mais ton regard est attiré par le Teddiursa à ses pieds. Et par le vacarme que provoque le sachet de bonbons qui éclate, qui s'arrache, et dont le contenu vient se répandre au sol. Quelques bonbons roulent jusqu'à tes pieds, et tu penches légèrement la tête vers la gauche, cherchant à comprendre à quoi exactement tu es en train d'assister. Viennent ensuite d'autres paquets … des paquets entiers cette fois, qui viennent s'étaler par dessus sur les sucreries éparpillées sur le carrelage de la supérette.  Sun semble totalement paniquée. Gênée. Tu te demandes d'où tout ça pouvait bien sortir. De … De son sac, non ? Non. Tu avais du rêver. Sa voix retentit, à peine audible. Elle bégaye. Tu sens bien que quelque chose ne vas pas. Tu n'as qu'à regarder son visage, son expression pour t'en rendre totalement compte. Mais encore une fois, alors que tu ta main se lève pour venir se poser sur son épaule, dans un geste qui se voulait rassurant, le petit Teddiursa t'interrompt. Il s'avance devant toi, et se met à pleurer. Du moins, ça y ressemble. Toi, tu reconnais parfaitement une attaque Croco Larme. Tu sais que l'attaque est trompeuse, mais tu accordes quand même une légère caresse de la main au Pokémon qui peine à se calmer, malgré les demandes de sa dresseuse. Cela dit, tu te redresses rapidement lorsque le gérant apparaît. Sun est comme figée, et c'est pire lorsqu'il lui annonce qu'elle va devoir payer les quelques dégâts. Elle ne dit pas un mot. Elle fixe droit devant elle, et le Teddiursa lui, continue de s'accrocher à te jambe en chouinant. « On va nettoyer, ne vous inquiétez pas. » Tu te décales légèrement, pour montrer que tu es là, offrant un sourire rassurant à l'homme planté dans l'allée. Il soupire, lourdement, mais finit par s'éloigner, sans doute soulagé de ne pas être celui qui allait devoir réparer les dégâts. Tu attends un instant, histoire d'être sûr que tu es tranquille. Et ton regard se repose sur la jeune femme. Nouveau soupire. Tu fouilles ta poche, pour offrir un Poffin au petit Pokémon aux fausses larmes, et tu en donnes un à Orion pour éviter la jalousie. « Tout vas bien ? » Tu lui souris. Tu cherches encore à la rassurer, peut-être aussi à la mettre en confiance, parce que là, tout de suite, elle a clairement pas l'air à l'aise. « Tu comptais vraiment manger tout ça ? »

Ton sourire s'efface si vite. Tu tentes, mais tu échoues lamentablement dans ta tentative de la faire sourire, de la rassurer. Si bien que finalement, elle fond en larme au moment où ta main touche son épaule, et cette fois, c'est toi qui te figes comme un idiot. Tu voulais être rassurant ? C'était le moment de l'être là. Mais toi, et les larmes des autres, c'était juste pas possible. Tu étais si démuni devant une femme qui pleure … Tu ne supportais pas ça et en même temps, tu ne savais jamais quoi dire, ou quoi faire pour sécher les larmes. T'avais bien compris le problème. T'étais pas complètement idiot, et tu savais bien ce que ces paquets de bonbons tombés de nul part signifiaient. Tu te demandais juste comment elle avait fait pour en arriver là … Même si au final, c'était pas bien compliqué à deviner. C'était tendu avec ses parents, et ça l'était depuis un bon moment. Tu l'avais senti, les fois où tu t'étais rendu chez elle, pour lui rendre visite, et que le couple t'avais littéralement barrer la route à grands renforts d'excuses qui ne tenaient pas la route.

T'es vraiment trop con, Isaïah. A la laisser pleurer, comme ça, toute seule, alors que t'es planté devant elle, droit comme un lampadaire. Et le pire : t'es même pas une lumière quoi. Elle s'excuse, et tu agites la tête. C'est pas toi qui allait lui faire la morale, ou des reproches. Tu devrais, en un sens. Peut-être que c'est un peu ton rôle, au final. En tant que professeur … Quoi que tu n'étais plus vraiment son prof. Du coup, tu pouvais te donner bonne conscience en te rappelant de ça. « Ne t'excuse pas voyons ... » En fait, tu voulais juste comprendre. Qu'elle t'explique. T'étais persuadé qu'elle avait raison, parce que t'avais l'impression de bien la connaître. Tu te disais que c'était tellement pas son genre, tout ça. C'était pas une mauvaise personne, bien au contraire. Elle essuie rapidement ses joues, et puis elle se baisse pour commencer à ramasser les paquets, et les bonbons. Évidemment, tu poses un genoux à terre, devant elle, et tu ramasses quelques sachets, avant de t'arrêter de nouveau pour l'observer. « Tu as des soucis ? » Elle en avait l'air, en tout cas. Et tu n'avais pas envie de la laisser repartir seule, sans savoir si oui ou non, tu étais capable de l'aider d'une manière ou d'une autre. « Tu peux me parler, tu sais Sun … tu le sais, non ? »

T'es distrait. Tu ramasses le bazar amassé sur le sol de la supérette, mais t'es clairement pas à ce que tu fais. T'es ailleurs. Tu t'en fou des bonbons, de cet endroit, de tes courses, ou même de ce bonhomme qui était venu râler. Tu ramasses parce que t'as dis que tu le ferais et que les paroles en l'air, c'est absolument pas ton truc. Sauf que ton esprit tout entier est concentré, fixé sur Sun. Elle avait soudain eu l'air si triste … tu ne l'avais jamais vu fondre en larmes de cette manière, et pourtant, tu savais qu'elle en avait eu, des raisons de craquer, depuis quelques années. Du coup, le fait que ce soit ici, maintenant, devant toi, c'est surprenant, et bordel, ce que c'est déstabilisant, aussi. Tu t'imagines tout de suite de choses hyper graves, tu sais pas quoi exactement, mais t'es persuadé que c'est important, ouais. Alors, non, tu ne vas pas lâcher l'affaire. Si t'avais été incapable de la consoler alors qu'elle avait fondu en larmes, tu serais quand même celui-ci qui reste, qui écoute, celui qui pose des questions, qui creuse et qui essaie de savoir. C'était pas de la curiosité, cela dit. T'avais jamais été du genre curieux. T'aimais pas qu'on se mêle de ta vie, alors tu te mêlais pas de celle des autres, mais là, juste, ça te paraissait vital.

Elle a trouver un métier. Un job quoi. C'était plus un petit boulot qu'un vrai métier, à son âge, pas vrai ? Elle avait même son appartement, maintenant. T'étais content pour elle. C'était sans doute mieux comme ça, mieux que chez ses parents. Pourtant, la fin est moins réjouissante. C'était bien beau de bosser, mais si c'était pour passer sa paye dans un loyer, et ne pas pouvoir manger à côté … à quoi ça servait, sérieux ? Tu soupires. Elle se tuait à la tâche, juste pour se payer un toit sur la tête, autre que celui de ses parents. C'était triste. Et c'était révoltant. Ce que tu voyais là, sur le sol, ça te paraissait juste être l'appel à l'aide d'une jeune femme complètement perdue dans sa vie. Des bonbons. Franchement, qui se nourrissait de bonbons ?

Tu t'actives subitement, tu ramasses plusieurs paquets d'un coup, et puis, tu te mets à ramasser un à un les petits bonbons sur le sol, pour les remettre dans le paquet. Quand tu te relèves, tu viens remettre en place dans le rayon - totalement grossièrement - les paquets intacts, puis, tu sers dans ta main celui qui est totalement éventré. Ton autre main vient se placer devant Sun, tu la lui tends pour l'aider à se relever. "Viens m'aider." Tu lui offres un sourire rassurant. Qu'est-ce que tu pouvais faire d'autre, Isa, t'allais pas la laisser là, se débrouiller avec son paquet de bonbons déchiré. Surtout en sachant ce que tu savais maintenant. "J'ai des courses à faire. Tu gardes la liste, je rempli le panier, et ensuite, je t'invite à déjeuner. Ca te va ?"

Tu lui tends ton bout de papier sur lequel tu as rapidement griffonner la liste des choses qui te manquaient à la maison. Des trucs habituels. Des trucs que tu rachetais toutes les semaines. Seul, t'aurais pu faire tes courses au mois d'un coup que ça t'aurais pas coûter bien cher et que t'aurais pu ramener tout à la maison d'un coup. Tu faisais jamais énormément de courses. Ca servait à rien. T'étais qu'un pauvre célibataire qui cuisinait pour lui même, et pour son Pokémon aussi, parce qu'il était évident qu'Orion aimait en profiter. Bref. Quoi qu'il en soit, Sun semble hésiter un petit moment avant de finalement attraper ta main pour se relever. Elle prends la liste aussi, même si elle est sans doute un peu surprise par ta proposition. T'as été son professeur. Tu l'invites à déjeuner. De quoi alimenter les ragots de ceux que ce genre de choses intéresse. Sauf qu'il n'y a rien derrière ça, tout juste le désir d'aider une jeune fille que tu sais dans le pétrin.

Tu hoches la tête, tu la gratifie d'un nouveau sourire et puis … tout simplement, tu te mets à avancer dans le rayon. Tu cales le paquet ouvert dans un coin du panier que t'as à la main, et tu écoutes la voix de la jeune femme qui te dictes un à un les petites choses qui compose la liste. Entre les pâtes et le jus de baie, elle se met à caler quelques mots, pour faire la discussion. Elle s'ouvre, un peu. Elle se dévoile. Et évidemment, tu l'écoutes avec attention parce qu'il est évident que ça t'intéresse vraiment. "C'est un beau projet." Certains voulaient devenir dresseurs, d'autres choisissaient l'élevage, ou l'enseignement, comme toi. Elle voulait devenir coordinatrice, et pourquoi pas ? C'était un domaine cruel, et difficile. Mais c'était comme ça partout. Elle finirait par y arriver si elle s'en donnait les moyens … et si on lui ouvrait les bonnes portes. "Mais … ?" Mais visiblement, ça suffisait pas pour tout. Et tu te doutais bien que si elle arrivait pas à se nourrir, elle était pas non plus en mesure de se payer le matériel, les tenues. A tous les coups, elle arrivait même pas à trouver le temps pour les entraînements … "Ton patron te laisse ta chance, au moins ?" Au moins, ouais. Elle avait au moins ça. Elle bossait sur place. Elle voyait, elle assistait, et tu espérais qu'elle avait aussi la possibilité de faire ses preuves … sauf que vu sa tête, et son hésitation présentement, tu en doutais. Du coup, tu soupires. "C'est pas évident de tout concilier au départ … J'ai eu du mal, moi aussi, quand j'ai commencé à voyager. Mes parents voulaient que je sois dresseur, j'en avais pas envie, je crois qu'ils étaient désespérés." Au fond, ton histoire et celle de Sun se ressemblaient pas mal. Tu avais un peu été dans sa situation, en étant jeune. En moins grave, par contre, mais quand même. "J'avais noté quoi après les crackers, déjà ?"